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Publié le par association de liloufoc à liloustic

Concerto pour ordi et saladier Ikea

La musique produite sur ordinateur a donné naissance à des orchestres électroniques d'un genre nouveau. Les musiciens créent du son basé sur l'échange de fichiers ou de messages texte. Leurs concerts en public peuvent paraître un brin désincarnés mais ces formations ouvrent de nouvelles voies à la recherche musicale. 


01.02.2012 | Alex Newman | Financial Times

 

 

 Le Princeton Laptop Orchestra (PLOrk)

 Le Princeton Laptop Orchestra (PLOrk)

 

 

 

En 2006, lors du traditionnel discours suivant la dernière nuit des BBC Proms [une série de concerts organisés chaque année par la BBC], le chef d'orchestre Mark Elder avait épinglé les nouvelles règles imposées par les compagnies aériennes aux musiciens voyageant avec leurs instruments. Notant que ces restrictions ne touchaient pas les ordinateurs, il avait déclaré en souriant: "On dirait que l'année prochaine, nous aurons tous le plaisir d'écouter le célèbre concerto pour portable et orchestre".

Bien des vérités sont dites en riant et une rapide recherche sur Google aurait probablement amené le chef d'orchestre sur le site de l'université de Princeton [New Jersey, Etats-Unis] où un groupe de musiciens technophiles a déjà réalisé cette prophétie. Fondé en 2005 par les professeurs Dan Trueman et Perry Cook, le Princeton Laptop Orchestra (PLOrk) est le premier ensemble musical exclusivement formé d'ordinateurs.

 

Voilà déjà bien longtemps que les musiciens utilisent des ordinateurs pour faire de la musique. Toutefois, avec l'arrivée, au début du 21e siècle, d'ordinateurs moins chers, plus rapides et plus puissants, la production musicale est essentiellement devenue une activité individuelle. Le PLOrk a été formé "afin de créer des communautés offrant de nouvelles possibilités d'expérimentation musicale", expliquent ses initiateurs.

Depuis, les orchestres électroniques ont proliféré dans le monde entier et rassemblent tant les spécialistes que les amateurs. Au Royaume-Uni, la ville de Birmingham accueillait récemment le Network Music Festival, un événement dédié aux orchestres électroniques, tandis que de l'autre côté de l'Atlantique se tiendra au printemps prochain, en Louisiane, le premier symposium des orchestres et ensembles électroniques.

La définition d'un orchestre électronique fait toutefois encore largement débat. Les formations existantes et leur façon de faire de la musique sont en effet très différentes. Un concert du PLOrk se déroule généralement avec quinze personnes installées sur des tapis de méditation face à leur ordinateur, à côté  d'amplis hémisphériques à six canaux (certains fabriqués à partir de saladiers Ikea) qui permettent aux joueurs ainsi qu'au public d'entendre directement les sons produits sur les machines. Outre leurs ordinateurs, les musiciens peuvent ajouter n'importe quel autre instrument en direct: le Birmingham Laptop Ensemble (BiLE) utilise tout ce qui lui passe par la tête: "des ustensiles de cuisine, cloches ou violoncelles, ou encore des détecteurs de mouvement sur l'iPhone, la Wiimote ou le Kinect Xbox".

Le dénominateur commun de toutes ces créations musicales, c'est le code, explique Jeff Snyder, directeur associé du PLOrk. "Généralement, chaque compositeur écrit de nouvelles lignes de code pour chaque partition. Cela ouvre le champ des possibles". Concrètement, cela signifie que les "musiciens" peuvent improviser dans un certain cadre ou suivre une structure musicale plus traditionnelle. Les possibilités sont presque infinies, les limites entre composition et performance étant sans cesse remises en question.

"Il y a quelques années, Michael Early, membre du PLOrk, a écrit un morceau à composition continue en notation conventionnelle. Certains morceaux fonctionnent avec des gestes de la main, d'autres avec des messages textes entre ordinateurs, des indicateurs visuels ou bien rien du tout", explique Rebecca Fiebrink, également membre du PLOrk. Ico Bukvic, qui dirige l'ensemble L2Ork de Virginia Tech, utilise "des gestes, des mouvements de chorégraphie, et même récemment des enchaînements de taï chi pour créer un tout nouveau système de communication avec les musiciens".

Assister à un concert d'orchestre électronique peut-être une expérience déroutante. Contrairement aux formations traditionnelles, il est parfois très difficile de savoir qui joue quoi dans la partition. Et malgré la réactivité des logiciels, l'absence de mouvement sur scène crée parfois "un manque de communication entre les musiciens et le public", reconnaît Fiebrink.

Bon nombre d'ensembles recourent d'ailleurs massivement à des effets visuels. Pour Snyder, "c'est seulement pour éviter de donner l'impression qu'ils sont en train de vérifier leur boîte mail. C'est probablement superflu". On aurait toutefois tort de dénigrer cette musique pour ces raisons. En dépit de la complexité et de l'étrangeté de ces concerts, les orchestres électroniques sont tournés vers l'expérimentation et l'évolution technologique, soit deux éléments qui ont toujours poussé la musique vers de nouveaux horizons. Qui sait si cette approche en réseau de la musique ne supprimera pas bientôt le fossé entre les musiciens sur scène et le public dans la salle?

 

CourrierInternational.com, jeudi 2 février 2012

Publié dans Arts

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A
Très intéressant!<br /> Je veux bien assist à un prochain concert, pour étonner mes oreilles...
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